Contraception et avortement (1)

Publié le par Collectif des Féministes pour l'Egalité

Commission Islam/féminisme

 Réunion du 14/01/06

Contraception et Avortement  

Présentes : Monique, Catherine, Marie-Laure, Cecilia, Ndella, Fahma, Fatima, Semia, Menouba, Ismahane, Karima

 

 

 

Intervention de Ismahane :

Plan en 3 parties avec les problématiques :

 

  1. Sources et fondements  
  2. Le cadre et les principes d’application  
  3. « Droit à » et « liberté de » : les déclinaisons   

Préalable : 2 exigences complémentaires 

- la fidélité au message permanent de l’Islam 

- l’intelligence des situations 

1/ Lorsqu’on parle de contraception en Islam, il est nécessaire de poser des exigences :

 

La fidélité au message, aux sources.

Reconnaissance du Dieu unique et que le Coran est l’émanation de la parole de Dieu.

Diversité des contextes et des situations.    

 

Nécessité d’une lecture contextualisée. On a à faire à des cas et des situations qui n’ont pas des solutions immuables. Poser le débat en ces termes déplace faussement le débat sur le fond.

Ce droit à la contraception et à l’avortement existe en Islam et a été posé et clarifié dès le départ dans les textes et les sources. L’Islam répond à toutes ces questions et permet un espace de traitement de ces questions ouvert à la diversité infinie des situations et des formes d’interprétation : le blocage et la décadence de cet effort d’interprétation « ijtihad » sont liés à des intérêts politico-historiques circonstanciels.  

 

Définition de « l’ijtihad » : approfondissement de la foi et de la loi par l’analyse objective des situations nouvelles et par la prospection des réponses pertinentes qui peuvent être apportées. 

 

 

Il n’y a pas en Islam d’autorité suprême qui viendrait définir le dogme et  fixer son interprétation une fois pour toutes. Le pluralisme et l’esprit de tolérance apparaissent ainsi surtout dans le domaine du droit musulman. C’est pourquoi celui-ci a véritablement consacré le principe de la divergence d’opinion, le Coran et le hadith –les 2 sources scripturaires en Islam- nécessitant une exégèse car pas toujours explicites pour les néophytes. La garantie intrinsèque au droit musulman d’une pluralité d’interprétations a déterminé une certaine « éthique du désaccord » garante elle-même de l’esprit d’ouverture à l’autre. 

2/ Le cadre : mariage, sexualité, contraception et contragestion  

Répondre à la question de la contraception demande que l’on aborde la fonction que l’Islam assigne à la sexualité. La sexualité est  une composante tellement fondamentale dans la vie de l’homme et de la femme, et de la société, qu’on la retrouve détaillée dans le Coran, la tradition prophétique et le droit musulman jusque dans ses détails intimes. La sexualité n’est ni refusée ni avilie mais elle est organisée et gérée en fonction de la responsabilité morale qu’elle implique ; il n’y a en Islam ni honte liée à une impureté originelle ni mystique du sexe divinisé (fantasmagorie orientaliste où la sexualité dans l’Islam  se réduit aux « mille et une nuits »).

Il faut ici d’abord souligner que le mariage est le cadre à l’intérieur duquel les relations intimes sont  permises. De là, aborder la question de savoir comment l’Islam perçoit les relations intimes : celles-ci ont-elles comme seul objectif (donc comme seul cadre de permission) la procréation ? On pourrait aisément le penser à la vue de la perception réductrice, et malheureusement majoritairement relayée, de certaines interprétations. Or, la finalité de l’existence du désir sexuel ne se réduit pas seulement à procréer, elle n’en est qu’un des objectifs ! En amont, il y a le fait de vivre ce qui fait partie d la nature humaine, le plaisir sexuel, dans le cadre permis. Le savant musulman Ibn Qayyim a relevé 3 objectifs principaux à la sexualité : le plaisir sexuel, la pratique de ce qui contribue à l’équilibre et l’épanouissement humains sur les plans psychologique et physiologique, la procréation. En ce sens, les sources de l’Islam parlent d’une forme de contraception qui avait cours à l’époque du prophète Mohammed  (7ème siècle), le retrait ou coit interrompu. Le prophète (pbsl) récusa alors certains qui apparentaient cette pratique à une petite forme de suppression de l’enfant. Pour autant dans un autre cas, il est rapporté qu’il a réprouvé cette pratique. Loin d’y voir une contradiction, il nous faut rapporter ces deux réponses apparemment contraires à des avis circonstanciés. Cette différence des réponses a entraîné des opinions divergentes au sujet de la pratique contraceptive.

 

 

Les 4 courants principaux sur la pratique de la contraception

* la contraception est totalement interdite

* elle est totalement autorisée pour peu qu’elle ne soit pas pratiquée pour une cause qui contredise un principe de l’Islam. Exemple : relations intimes hors mariage.

* elle est systématiquement déconseillée

* elle est en soi permise, mais en plus d’être pratiquée pour une cause qui n’est pas interdite elle doit remplir une condition supplémentaire : la priorité de la prise en compte du point de vue de la femme.

 

Les 2 tendances sur les motifs de recours à la contraception 

* la contraception est déconseillée autant pour des causes qui la rendent interdite, comme la crainte de la pauvreté (pour soi ou pour l’enfant à naître) que pour d’autres causes qui la rendent entièrement autorisée telles la présence d’un risque établi de santé de la femme, une possible malformation de l’enfant à naître, l’espacement des naissances…Cette tendance est minoritaire ; elle base sa démarche sur le principe de précaution pour éviter que l’exception devienne la règle. 

* la règle générale est la permission tant qu’elle n’est pas entreprise pour une cause interdite laquelle par voie d’incidence rendrait le recours à la contraception interdit aussi. Selon cet avis, il n’est pas besoin d’une cause valable pour que la contraception soit permise : il suffit qu’il n’y est pas de cause interdite.

Il n’y a donc pas aujourd’hui, pas plus que par le passé, une position unique sur la contraception car il y a plusieurs écoles d’interprétations qui ont des lectures divergentes des textes.

Soulignons ici qu’il faut que le moyen auquel on a recours soit aussi autorisé et que là aussi l’éventail des possibilités et des positions est fonction des situations et renvoie soit au consensus soit aux divergences dans les interprétations.

Contragestion et avortement

Les principes « référents » dans le Coran et la Sunna (actes, paroles du Prophète) :

- toute vie humaine est considérée comme sacrée de la conception à la mort.

- Seul Dieu peut créer la vie et déterminer la mort

- nos corps sont un dépôt dont nous devrons rendre compte

Quelques versets :

- « Et, sauf en droit, ne tuez point la vie que Dieu a rendu sacrée. » S17v33

- « Et ne tuez pas vos enfants par crainte de pauvreté ; c’est Nous qui attribuons leur subsistance, tout comme à vous. Les tuer c’est vraiment un énorme péché. » S17v31

- « Quiconque tuerait une personne…c’est comme s’il avait tué tous les hommes. Et quiconque lui fait don de la vie, c’est comme s’il faisait don de la vie à tous les hommes. » S5v31

A partir de quand l’embryon existe-t-il en tant qu’être humain ? Cette  problématique (sur laquelle se sont penchés les jurisconsultes et des savants tel que Al Ghazali) va permettre de dégager  4 niveaux à partir desquels les différentes positions vont déterminer leur avis, particulièrement pour l’avortement. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

1/ il y a  existence dès la fécondation  

 

2/ dès le développement de l’embryon     

 

3/ dès l’insufflation de l’âme (divergences : soit à 40j ; soit à 80j ; soit à 120j ce dernier avis étant majoritaire)   

 

4/ à la naissance  

Certains savants (hanafites) qui vont le plus loin dans le domaine rappellent que l’embryon n’est pas un être humain tant que Dieu n’a pas insufflé son âme et ils autorisent donc l’IVG jusqu’au 120ème jour (fin du 4ème mois, début de la 20ème semaine d’aménorrhée) après la fécondation.

 

 

Le moyen contraceptif auquel on a recours sera autorisé ou non selon qu’il : 

  1. empêche la  fécondation  
  2. empêche l’ovulation  
  3. empêche la nidation  
  4. supprime le fœtus après nidation  
  5. stérilisation 
  6.  

        Le consensus : tant qu’il n’y a pas fécondation tout est permis (concept de vie).  

Les moyens qui sont permis sont le 1 et 2.

Pour le 3 il y a divergences.

Pour le 4 : non permis sauf problèmes médicaux et cas exceptionnels (viol, inceste…) et là encore il y a divergences d’opinions.

Pour le 5 : en tout état de cause, la stérilisation volontaire sans cause médicale est exclue.

 

Une des règles primordiales dans le droit musulman étant que la nécessité abolit l’interdiction, et que la préservation de la vie prime sur tout, en cas de danger ou de risque pour la mère, celle-ci a préséance. L’avortement thérapeutique relevant de l’avis médical qui fait autorité et qui prime sur l’avis des juristes.

A suivre…prochaine séance.

 Cecilia :

Complément d’infos blog d’une convertie australienne Derviche Maryam à voir.

Mais aussi Riffat Hassan (pakistanaise)  voir son travail avec la conférence sur la population. Elle propose de travailler sur le développement car avec lui viendra la contraception. Discussion pour sortir avec un consensus, elle revient au Coran et propose de l’interpréter en général.

Histoire des politiques natalistes (crèche etc.….) essaie de favoriser la croissance démographique en stimulant le désir d’avoir des enfants.

 

Catherine S :

Dans la discussion les points que l’on pourrait ressortir : mariage et amour , société pauvreté, Amartya Sen est au cœur de l’analyse des sociétés humaines et de la question de la pauvreté, travail sur logique citoyenne pluraliste se rendre le pouvoir , capacité collective à récupérer les droits.                                                                    

Intervention de Monique :

La question de la natalité est socio- économico- politique, la vitalité des naissances est une richesse.  

Historiquement :

Importance de l’Eglise catholique, le monothéisme  a donné une figure, recentrement du symbole fort fait par le masculin. Accréditation théologique à la domination patriarcale. Système pensé par les hommes. Dimension d’une prégnance patriarcale.  Le statut de la pauvreté, le pauvre est perçu comme étant le plus proche de Dieu, n’est pas entravé par les pesanteurs matérielles. L’Eglise y’a beaucoup de débats portés souvent par les Ordres, c’est le concile qui statue , institutionnalisation avec le sacrement du mariage (question du divorce), la question de la sexualité est pensée dans une vision procréatrice et non de plaisir, tout ceci se passe dans le sacré, sacralisation de la Nature. 

 

Pratique clandestine portée par les femmes :

  • question des sorcières (moyens contraceptifs, faisaient avorter, le lien au corps)
  • 2ème figure des ordres : médecine, connaissance de la nature etc. … balayé de l’histoire du catholicisme.  

Dans ce monde d’hommes, des femmes ont fait le choix de vivre en communauté ex :

Les Béguines sont des femmes qui décident de vivre entre elles (béguinage), petites maisons chacune (veuve….) ce n’est pas un ordre religieux plutôt des religieuses laïques qui décident de construire leur liberté dans un monde dominé par les hommes.

Les Recluses : femmes qui décidaient d’être recluses mais pas seules, enfermées dans une alvéole verrée qui donnait sur le chœur de l’église, le corps n’existait plus. 

 

Contraception : 

Le débat est  resté sur la question de l’animation du fœtus. Cette dernière était concomitante avec la question de l’âge de raison (la 1ère communion).  

L’âme arrive après 40 jours ou 80 jours. Pour  d’autres l’animation arrive dès les premiers mouvements de l’enfant.

Grand débat porté par G.Daucane au 12ème siècle le sujet, l’individu est un espace de la liberté, disparition de la notion de destin faisant place à la dimension d’histoire.

Au 16ème siècle : date gravissime : l’Eglise condamne l’avortement de façon formelle absolue et totale (sans exception). 

Au 17ème à la Renaissance est envisagé l’avortement thérapeutique. Descartes a séparé le corps et l’âme, espace de liberté.

Au 19ème avec Napoléon, le code Napoléon : pénalisation sécularisée de l’avortement, Etat reprend à son compte les décisions de l’Eglise. 

1923 lois qui correctionnalise l’avortement.  

1942 l’avortement crime contre la sûreté de l’Etat, pratique passible de la peine de mort  

Après la 1ere guerre mondiale loi de contexte politique, encouragement à faire des petits français.

Visée expansionniste : Ordre des Jésuites missionnaires Ignace de Loyola, réconciliation du discours théologique avec la modernité (science, nourrit les luttes des femmes, dimension émancipatrice). 

Moments de La Révolution française : beaucoup d’acquis pour les 2 sexes très en avance mais reniés par Napoléon.   

Durant  le  20ème siècle : Sortir du cas par cas allant à une analyse individuelle  pour arriver à la constitution d’un droit dans le cadre des luttes.

1969 : loi qui autorise la contraception. 

1971 : manifeste des 343 salopes avouant qu’elles ont avorté.

1972 : procès de Bobigny.  

1975 : loi Weil.   

 

Nous n’avons pas pu débattre comme nous le souhaitions car manque de temps. La prochaine séance sera consacrée à la fin de l’intervention de Monique et au débat : Prochaine réunion : le 04/03/06 à 9H30   avec en plus les différentes interprétations et pratique dans les pays catholiques et musulmans 

 

Prochain thème le 1er Avril : Les sens du foulard
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