L'economiste: Imamat des Femmes au Maroc

Publié le par Collectif des Féministes pour l'Egalité

http://www.leconomiste.com/article.html?a=70800

Le débat sur l’imamat des femmes lancé

· Ahmed Taoufiq dit niet

· Mais aucun texte ne l’interdit


LE ministre des Habous et des Affaires islamiques est catégorique. Les morchidates (prédicatrices) ne peuvent en aucun cas diriger la prière, encore moins prononcer le prêche du vendredi. L’imamat est du ressort exclusif des hommes.
Multipliant les sorties, Ahmed Taoufiq a apporté ce qui ressemble fort à une mise au point. Celle-ci vise tant des médias soutenant la possibilité d’attribuer l’imamat aux femmes que certains responsables, notamment le directeur même des Affaires islamiques. Dans des déclarations précédemment accordées à L’Economiste (www.leconomiste.com), Ahmed Abbadi avait soutenu que la femme peut diriger la prière. Et de citer l’exemple de Rajaa Naji Mekaoui, professeur universitaire, qui avait animé une causerie religieuse devant le Souverain, se hissant de fait au statut de alema (savante).
Une possibilité que la nomination de 50 morchidates, au même titre que 150 prédicateurs et au terme d’une année d’études, a inscrite à l’ordre du jour. «Il n’en est rien», a rétorqué le ministre. Et Ahmed Taoufiq de s’élever contre ce qu’il qualifie d’amalgame.
Les morchidates vont certes opérer dans des mosquées et à la télé. Leurs missions sont identiques à celles des imams, exception faite de l’imamat. Elles peuvent ainsi animer des cours dans différentes sciences islamiques, de la prédication à la sensibilisation aux préceptes de la chariâa. Elles peuvent également intervenir en matière de formation continue d’autres morchidates. Ces attributions sont régies par les dispositions de la loi islamique, a soutenu le ministre, sans pour autant donner de références. Les morchidates «sont chargées d’enseigner, d’expliquer le coran, le hadith et la sounna, c’est-à-dire d’instruire, de former et de répondre aux besoins des femmes et des hommes en ce qui concerne leur vie religieuse». Intimité oblige, les questions liées aux femmes tomberont dans les prérogatives des morchidates. Mais le rapprochement ne va nullement plus loin.
Plus qu’un désaccord entre deux hommes, la polémique autour de l’imamat des femmes oppose deux modes de pensée, réformateur et traditionaliste. Si le ministre est réputé pour ses liens avec la Zaouia boutchichia, Abadi, lauréat de grandes universités de France et des Etats-Unis, est, lui, catégorisé parmi les actifs du Mouvement du renouveau et de la réforme (MUR), toile de fond idéologique du PJD.
Le débat sur cette question n’en est pas à ses débuts. Professeur d’études islamiques à l’Université de Virginie (Etats-Unis), Aminah Wadoud avait défrayé la chronique en devenant, en mars 2005, la première femme à diriger des fidèles, des deux sexes qui plus est, dans une prière du vendredi à New York. Un précédent historique. Argument: l’interdiction pour la femme de devenir imam relève de la tradition et n’a aucun lien avec la religion.
Le tollé que cette «innovation» a suscité n’a pas empêché Naïma Gouhaï, une Italienne d’origine marocaine, de diriger une prière dans la province de Sienne. Base doctrinale, «tout est permis sauf quand il y a restriction».

Ce que dit la doctrine!

INTERROGÉ sur la question (www.islamonline.net), le célèbre Sheikh Yousouf Al-Qardaoui est tout aussi catégorique: on ne connaît pas dans l’histoire musulmane, longue de quatorze siècles, une seule femme ayant prononcé le sermon du vendredi ou ayant dirigé des hommes dans la prière… Il s’agit là d’un consensus indubitable.
Reconnaissant qu’aucun texte «authentique» et «explicite» n’interdit un tel acte, le mufti égyptien a cependant sorti un argument traditionnel: la tentation. «Dans la prière musulmane, il y a des gestes, des positions debout, des positions assises, des inclinations et prosternations. Il ne convient pas qu’une femme accomplisse ces mouvements devant des hommes…» Néanmoins, toute femme connaissant et maîtrisant le Coran, peut diriger les prières prescrites et surérogatoires de ses enfants et proches parents. Idem pour l’imamat de la femme dans une prière exclusivement féminine.

T. Q.

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